Les Scythes, les Perses et les Romains
C'est ce moment de la nuit où plus rien ne compte. Les photos de l'expo de 88 et les diapos témoignant de la précédente sont rangées dans le placard aux souvenirs.
Il n'y a guère que 'La Réalité en Face' qui soit encore d'actualité. Page 11, c'était quoi déjà ?
Quand est-ce que notre conception du monde, de la vie, des priorités et des hiérarchies à établir a-t-elle commencé à se détraquer ?
Cela ne s’est pas fait d’un seul coup, quelqu’un s’en serait rendu compte. En réalité des tas de gens s’en sont rendu compte par le passé, des prophètes, des voyants, ainsi que des gens comme vous et moi et, hier comme aujourd’hui, personne ne les a écoutés, ou un bref instant avant de reprendre la routine, d’y avoir vaguement pensé avant de s’endormir et de l’oublier pour de bon. Cela pointait à l’horizon et progressait à la manière d’une tempête en gestation, un ciel de plus en plus couvert, un vent qui se lève, quelques gouttes de pluie encore espacées…
Nous n’en sommes plus là aujourd’hui, la pluie tombe dru, le ciel est noir, déchiré de lueurs incandescentes, les océans débordent, des missiles crachent leur feu sur les populations dans le vacarme et l’épouvante. C’est vrai, pas directement au-dessus de nos têtes, pas exactement sur nos terres, nous sommes plus forts à l’exportation qu’à l’importation, mais même cela est en train de changer. Les zélateurs de l’apocalypse sont déjà au paradis, le spectacle a commencé. Et nous, pays riches et démocratiques, nous sommes calfeutrés dans nos blockhaus de lois et de droits des territoires avec pour toutes armes dissuasives des engins sophistiqués qui ne peuvent que nous péter à la figure. Bien sûr nous disposons d’autres armes tactiques en attendant mais nous n’y croyons plus vraiment, tuer devient fatiguant avec l’âge.
Nous sommes vieux. Usés, désabusés, sans autre ambition que la conservation du patrimoine. Aucune société jeune ne pense au patrimoine, une société jeune est tournée vers le possible, l’encore possible. Elle peut en trouver les bases à l’intérieur d’une société déjà établie qui lui garantit les conditions matérielles de sa survie, elle le fait en ce moment-même et rien ne pourra arrêter ce mouvement.
Le mouvement est dans l’ordre des choses, il ne va pas dans le sens de nos idées sur ce qui devrait être mais dans le sens de ce qui va très certainement arriver, dans le sens de la vie qui va, de la mort qui vient, du destin de l’homme sur terre, du robinet qui coule et de la fleur qui s’épanouit au milieu du bitume.
Cette fleur est immigrée, réfugiée, exilée, demandeuse d’asile, sa graine a essaimé partout sous différentes formes, elle pousse sur des sols arides et exposés à tous vents, elle apprend à résister à toute forme d’éradication, elle est la vie elle-même dans toutes ses revendications. Vous savez : les Egyptiens, les Scythes, les Grecs, les Romains, les Aztèques… Serions-nous plus malins, plus forts, plus intelligents qu’eux ?
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