" L'abîme est bordé de hautes demeures "
" Pendant des années, il avait loué des déportés à Buchenwald, à Flossenbürg, à Ravensbrück, à Sachsenhausen, à Auschwitz et à bien d'autres camps. Leur espérance de vie était de quelques mois.Si le prisonnier échappait aux maladies infectieuses, il mourait littéralement de faim. Mais Krupp * ne fut pas le seul à louer de tels services. Ses comparses de la réunion du 20 février en profitèrent eux aussi ; derrière les passions criminelles et les gesticulations politiques leurs intérêts trouvaient leur compte. Bayer afferma de la main-d'oeuvre à Mauthausen. BMW embauchait à Dachau, à Papenburg, à Sachsenhausen, à Natzweiler-Struthof et à Buchenwald. Daimler à Schirmeck. IG Farben recrutait à Dora-Mittelbau, à Gross-Rosen, à Sachsenhausen, à Buchenwald, à Ravensbrück, à Dachau, à Mauthausen , et exploitait une usine gigantesque dans le camp d'Auschwitz : l'IG Auschwitz, qui en toute impudence figure sous ce nom dans l'organigramme de la firme. Agfa recrutait à Dachau. Shell à Neuengamme. Schneider à Buchenwald. Telefunken à Gross-Rosen et Siemens à Buchenwald, à Flossbürg, à Neuengamme, à Ravensbrück, à Sachsenhausen, à Gross-Rosen et à Auschwitz.Tout le monde s'était jeté sur une main-d'oeuvre si bon marché. Ce n'est donc pas Gustav qui hallucine ce soir-là, au milieu de son repas de famille, c'est Bertha et son fils qui ne veulent rien voir. Car ils sont bien là, dans l'ombre, tous ces morts. " ('L'Ordre du Jour' - Eric Vuillard)
* C'est moi qui mets en gras les noms des entreprises coupables
Pour peu qu'on ait un peu d'empathie pour l'héroïne, le deuxième épisode de la saison 2 de 'Black Mirror' est terrifiant. Les 15 dernières minutes vous clouent dans votre fauteuil. Un scénario diabolique et, malgré l'absence de gore, un authentique cauchemar à l'écran.
http://www.voirfilms.ws/black-mirror-saison-2-episode-2-13188.htm.
" On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d'effroi. Et on voudrait tant ne plus tomber qu'on s'arc-boute, on hurle. A coups de talon, on nous brise les doigts, à coups de bec on nous casse les dents, on nous ronge les yeux. L'abîme est bordé de hautes demeures. Et l'Histoire est là, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l'an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux. " (fin de 'L'Ordre du Jour' - Eric Vuillard)
Image extraite du générique de la série 'The Man in the High Castle'. Poésie des ruines.
Ouais, vous pouvez dire que c'est une image de synthèse pour introduire une série de fiction, à partir d'un roman (fiction aussi donc) de Philip K.Dick, au titre éponyme, qui postulait que le Reich avait gagné la dernière guerre. N'empêche que, quoique je ne fusse pas né alors pour l'affirmer avec une certitude absolue , il y a de très fortes probabilités pour qu'elle ait eu lieu entre 1939 et 1945, avec les résultats désastreux que l'on nous a dit, et que, à moins d'une monstrueuse manipulation, montrent les archives de l'époque.
Ce que l'on tire entre autres de ce roman d'Eric Vuillard, c'est que l'avènement du Reich résulte en grande partie de la lâcheté des dirigeants anglais et français d'alors.
Plus tard, Churchill et Roosevelt ont été informés des camps de concentration et d'extermination bien avant la libération des camps (cf. Yannick Haenel dans 'Jan Karski'). Ils n'ont pas moufté.
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