daredevil

Un truc me revient parfois.

Le juge de proximité, pour les pare-brise éclatés. Je disais que je touchais que 800 euros par mois et que j'avais deux chiens, deux chats, deux cochons d'Inde et deux poissons à nourrir. Lui : " Eh bien, vous faites bouffer vos cochons d'Inde par vos chiens et vos poissons par vos chats ! " J'ai été tellement abasourdi que je n'ai pas su quoi répondre. Maintenant, mais trop tard n'est-ce-pas, je pourrais lui dire : " Bien sûr, espèce de con ! T'as pas d'animaux chez toi, t'as juste une femme à la maison qui ouvre les cuisses à un type plus appétissant que toi pendant que tu te la joues avec ton psoriasis plein les bras. " Trop tard. La vie c'est tout de suite, y a pas de remake. 

Si vous ne me croyez pas capable de dire ça en face en pleine possession de mes moyens à un trou du cul de juge de proximité, vous ne me connaissez pas. D'ici là, il a pas intérêt à se trouver dans la file d'attente aux caisses d'un supermarché où j'aurais mis les pieds. Je dirais " C'est quoi ces taches sur vos bras, c'est pas contagieux au moins ? "  

3 h 38. Couché, entouré de mes deux chiens. 3 h 50, je sens que ça va pas le faire, je me relève. C'est don Juan, cette fois, qui me vient à l'esprit. Extrait de ' Le Voyage à Ixtlan ' de Carlos Castaneda :

" Quels étaient les noms de votre père et de votre mère ? "

Il posa sur moi des yeux parfaitement lucides. - Ne perds pas de temps avec cette merde. " déclara-t-il doucement mais avec une force inattendue.

J'en restai bouche bée. C'était comme si quelqu'un d'autre avait prononcé ces mots. L'instant précédent  j'avais vu un Indien gauche et stupide se grattant le tête, et soudain il avait inversé les rôles. Je me sentais stupide et il me dévisageait d'une façon indescriptible, mais pas d'un regard arrogant, défiant, chargé de haine ou de mépris. Ses yeux brillaient de gentillesse, ils étaient clairs et perçants. 

- Je n'ai pas d'histoire personnelle, dit-il après un long silence. Un jour j'ai appris que l'histoire personnelle ne m'était plus nécessaire, et comme pour l'alcool, je l'ai laissée tomber. "

Ouais, j'aimerais en arriver là. Je crois que les deux vont ensemble. M'en fous pas mal qu'il ne soit qu'un personnage de fiction, il m'aura plus apporté que n'importe qui d'autre. Pour moi il est plus réel que Lady Gaga. 

Pendant ce temps, les cochons d'Inde crui-cruitent, c'est la teuf tout le temps pour eux. 

Là je sais plus ni où ni quand. Cygnes jardin des Plantes.